06 16 31 08 42 jeanlaurent.buquet@gmail.com - Maître Jean-Laurent BUQUET, Avocat à Marseille.

La reconnaissance frauduleuse d’un enfant a fait l’objet de poursuites du chef de deux infractions pénales

Le 18 mai 2017, le Tribunal correctionnel de Marseille a prononcé la relaxe de mon client dans une affaire où il lui était reproché d’avoir reconnu un enfant en sachant qu’il n’était pas le père biologique pour faciliter le séjour en France de la mère de nationalité étrangère.

Le Procureur de la République estimait que cette reconnaissance frauduleuse était susceptible de constituer deux infractions pénales, à savoir :

  • L’aide au séjour irrégulier (article L.622-1 du CESEDA)
  • La reconnaissance frauduleuse d’un enfant à seule fin d’obtenir un titre de séjour (article L.623-1 du CESEDA)

En cas de concours idéal de qualifications, la poursuite doit se limiter à la qualification spéciale

Sur le plan juridique, j’ai plaidé qu’un même fait (c’est-à-dire la reconnaissance frauduleuse) ne peut pas entraîner une double déclaration de culpabilité, qu’il s’agit alors d’un concours idéal de qualifications et que la poursuite doit être limitée à la seule qualification pénale spéciale soit en l’espèce l’article L.623-1 du CESEDA.

Ce cas de figure est expressément prévu dans le Jurisclasseur « lois pénales spéciales », partie étrangers : « Par application de l’adage speciala generalibus derogant, la qualification à caractère spécial – en l’occurrence l’article L.623-1 du CESEDA dont le caractère spécifique est expressément évoqué par les travaux préparatoires – doit l’emporter sur les qualifications à caractère général que constituent l’article L.622-1 du CESEDA et l’article 441-6 du code pénal »

L’incrimination spéciale de l’article L.623-1 exige un dol spécial (l’intention  exclusive de faciliter le séjour en France)

S’agissant maintenant de la seule infraction susceptible d’être reprochée juridiquement à mon client, j’ai plaidé le fait que l’article L.623-1 exige un « dol spécial » c’est-à-dire l’intention exclusive de faciliter le séjour en France de l’étranger.

Le Jurisclasseur « Lois pénales Spéciales » met en évidence cette intention exclusive :

« Pour l’application de l’article L.623-1 al.1 du CESEDA, il importe positivement que l’agent ait contracté un mariage ou ait procédé à la reconnaissance d’un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française »

« Négativement, toujours, à propos de la reconnaissance frauduleuse d’un enfant, il importe de démontrer que l’agent n’a pas été animé de l’intention de faire siennes les conséquences du lien de filiation hormis celles liées à sa qualité de personne étrangère. Ainsi que la doctrine l’a souligné, c’est le « fraudeur absolu », celui qui accomplit l’acte dans le seul but de contourner la législation française de lutte contre l’immigration ».

La doctrine précise que : « Concrètement, pour établir la preuve que la fraude à la législation française a été le but exclusivement recherché, il faudrait que le père déclaré se soit désintéressé des mineurs ».

J’ai plaidé que c’était au Procureur de rapporter la preuve que le prévenu a eu cette intention exclusive (le doute bénéficiant au prévenu) et qu’il ne le faisait pas, tandis qu’au contraire le prévenu prouvait qu’il avait maintenu les liens avec l’enfant et qu’il se comportait à son égard comme le père légal qu’il est.

Voici le jugement : jugement de relaxe